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La pauvreté galopante au Sénégal : entre héritage lourd et impatience populaire.

Le niveau de pauvreté au Sénégal atteint aujourd’hui un seuil alarmant, presque insoupçonné. Dans les villes comme dans les campagnes, beaucoup de familles peinent à se nourrir, à payer le loyer ou à assurer les besoins les plus élémentaires. Ce constat amer reflète la réalité d’un pays pris dans l’étau d’une crise économique mondiale et d’un héritage budgétaire lourd laissé par l’ancien régime.

Depuis la pandémie de Covid-19, le monde entier vit une crise sans précédent. Mais ses effets se sont révélés particulièrement dévastateurs dans les pays en développement, dont le Sénégal. Le tissu économique déjà fragile a été gravement affecté, plongeant des milliers de familles dans la précarité. À cela s’ajoute l’héritage d’une gouvernance économique marquée par des politiques d’endettement excessif sous l’ère Macky Sall. Les dettes colossales, longtemps dissimulées au grand public, ont fini par éclater au grand jour, mettant à nu la gravité de la situation financière du pays.

Face à cette réalité, le nouveau régime conduit par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko se trouve presque sans marge de manœuvre. La dette publique a obstrué les capacités d’investissement et rendu difficile la mise en œuvre de politiques sociales ambitieuses. Pourtant, l’arrivée du Pastef au pouvoir avait fait naître un immense espoir : celui d’un renouveau économique et social fondé sur la souveraineté nationale et la justice sociale. Mais plus d’un an et demi après leur accession au pouvoir, cet espoir commence à s’effriter.

La précarité s’installe dans les foyers, et l’impatience gagne du terrain. Les Sénégalais, conscients du désastre laissé par le régime précédent, attendaient néanmoins un souffle nouveau. Or, ce qu’ils constatent aujourd’hui, c’est une montée du chômage, une inflation incontrôlée et une misère visible. Dans les rues, les marchés et les quartiers populaires, des femmes et des hommes dignes, autrefois travailleurs, tendent désormais la main pour nourrir leurs enfants. La pauvreté s’étend, touchant même ceux qui, hier encore, vivaient décemment de leurs activités.

Le plus inquiétant est le ralentissement de l’économie informelle, jadis pilier de la survie quotidienne de millions de Sénégalais. Ce secteur, dominé aujourd’hui par des étrangers, a été longtemps une bouée de sauvetage pour les familles modestes. Commerce de légumes, de poisson, de plats traditionnels comme le lakh ou le thiébou dieune : autant d’activités qui permettaient aux ménages de subsister. Désormais, la concurrence étrangère et le manque de régulation poussent de nombreux petits commerçants sénégalais à fermer boutique, aggravant la paupérisation.

Faut-il blâmer le nouveau régime pour cette situation ? Pas du tout. L’actuel gouvernement hérite d’une économie exsangue et de finances publiques plombées. Cependant, si les effets de cette crise persistent sans solutions concrètes, la communication politique ne suffira plus à apaiser la colère d’un peuple en détresse. Car la patience des Sénégalais, si admirable soit-elle, a ses limites.

Le gouvernement doit donc agir vite et fort. Il lui revient de redynamiser le marché de l’emploi, de soutenir les petites entreprises, de réguler l’économie informelle et de protéger les plus vulnérables. L’argent ne circule plus, l’économie tourne au ralenti, et la souffrance devient palpable. La survie quotidienne ne devrait pas être une fatalité dans un pays doté d’autant de richesses humaines et naturelles.

Il est temps pour le Sénégal de replacer la lutte contre la pauvreté au cœur de ses priorités nationales. Car un peuple qui a faim, qui ne peut plus éduquer ses enfants ni se loger décemment, est un peuple qui perd espoir et avec lui, toute une nation risque de vaciller.

IBRAHIMA DIOUF dit GAYE GAYE

Economiste – statisticien

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