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Faux certificats médicaux au centre de santé Dominique de Pikine: le faux infirmier d’état écope du sursis et échappe à l’écrou

Pendant des mois, il a signé des certificats médicaux d’aptitude pour des écoliers, les déclarant “aptes au sport” sans jamais les ausculter. Babacar Khouma, assistant infirmier au centre de santé Baye Talla Diop, jugé hier en flagrants délits du tribunal de Pikine-Guédiawaye, a été finalement condamné à un an de prison avec sursis pour usurpation de fonction et mise en danger de la vie d’autrui, et échappe à l’emprisonnement.

L’Observateur qui a suivi hier, le procès, renseigne que l’agent municipal de 49 ans, affecté en 2015, au centre de santé Baye Talla Diop (ex Dominique) par la mairie de Pikine Ouest, n’est ni médecin, ni infirmier diplômé. Pourtant, il s’était procuré un cachet à son nom, estampillé “Infirmier d’État”, rapporte le journal. Fort de ce faux statut, il a délivré à tour de bras des certificats médicaux, notamment à des élèves du primaire et du collège devant participer à des compétitions sportives organisées par l’Inspection de l’Éducation et de la Formation (IEF) de Pikine.

L’affaire éclate quand Fatou Ndour, le médecin-chef du centre, alertée par des rumeurs internes, lance sa propre enquête. Elle découvre vite l’ampleur du scandale : des dizaines de certificats médicaux d’aptitude au sport, signés par Khouma, sans examen préalable, sans autorisation, et sans qualification. La praticienne saisit la police. Interpellé, l’assistant infirmier passe rapidement aux aveux. Il dit avoir agi “par solidarité” avec les élèves, sans jamais avoir demandé d’argent. Un acte “bénévole”, jure-t-il.Babacar Khouma n’est pas inconnu à Pikine. Surnommé “Docteur Khouma” dans les milieux sportifs, il accompagne depuis des années les jeunes au stade Alassane Djigo, s’improvisant soignant, conseiller, secouriste. Il jouit d’une certaine aura dans le quartier. Ce sont d’ailleurs six avocats qui se sont présentés bénévolement hier au tribunal des flagrants délits de Pikine-Guédiawaye, pour le défendre. Ils ont plaidé sa bonne foi, son expérience de vingt ans dans le milieu médical et son engagement auprès de la jeunesse.Interpellé sur les faits, le prévenu se perd dans ses mots et tente de faire croire qu’il n’a pas usurpé la fonction d’infirmier. Selon lui, une formation incomplète et non encore sanctionnée de diplôme suivie dans une école de santé inconnue à Keur Massar, lui suffit pour exercer en qualité d’infirmier. Mais le ministère public ne l’a pas entendu de cette oreille. Le procureur a dénoncé une pratique “dangereuse et irresponsable” susceptible de mettre la vie d’enfants en danger. Le représentant du ministère public convaincu de sa culpabilité avait requis 6 mois de prison ferme.

“Un certificat médical n’est pas une formalité. Une erreur, une omission, et c’est un drame sur un terrain de sport”, a rappelé Me Dramé, avocat du centre de santé Baye Talla Diop, qui s’est constitué partie civile tout en réclamant seulement un franc symbolique.

Un passé qui revient au galop

Ce n’est pas la première fois que Babacar Khouma est au cœur d’une telle affaire. En 2021 déjà, une plainte avait été déposée contre lui par Dr Fall, le précédent médecin-chef, après qu’il avait utilisé son cachet sans autorisation. L’affaire avait été classée, étouffée selon certains, grâce à des soutiens politiques. Mais cette fois, la récidive a été de trop. L’actuelle responsable du centre n’a pas cédé aux pressions. Face à l’insolence et à la récurrence, elle a décidé de saisir la justice.

Dans son délibéré au début de la nuit, renseigne encore l’Obs, le tribunal a finalement écarté les délits de faux et d’exercice illégal de la médecine. Mais il a retenu l’usurpation de fonction et la mise en danger de la vie d’autrui, condamnant Babacar Khouma à un an de prison avec sursis. Une peine clémente, mais lourde de conséquences pour celui dont la présence au sein du centre de santé est désormais compromise.Baraka Khouma, “infirmier de cœur” pour certains, imposteur pour la justice, est aujourd’hui un homme suspendu entre sa vocation affichée et une condamnation bien réelle.MAMADOU NIANG

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