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Terrorisme au Sahel : pourquoi le Sénégal résiste encore, selon le général Mamadou Mansour Seck, ancien CEMGA


L’attaque du poste frontalier de Diboli, à la limite entre le Sénégal et le Mali, a relancé les inquiétudes sur une éventuelle infiltration terroriste dans le territoire national. Pour le général Mamadou Mansour Seck, ancien chef d’état-major général des armées, cette attaque n’est ni surprenante, ni isolée : elle s’inscrit dans une stratégie d’extension des groupes jihadistes actifs au Sahel, en quête de nouvelles zones d’implantation.
Le danger est clairement identifié, les mouvements armés, qui ont prospéré au Mali, au Burkina Faso et au Niger, trois pays désormais sortis de la CEDEAO,  avancent vers le sud et les régions côtières. Leur objectif, pénétrer des pays plus stables et économiquement viables, comme le Sénégal, le Bénin ou la Côte d’Ivoire. Selon le général Seck, ces groupes ne visent pas à prendre le pouvoir au sens classique, mais à désorganiser les sociétés de l’intérieur, en s’appuyant sur une propagande ciblée, notamment religieuse, diffusée à grande échelle via les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, le Sénégal tient encore bon, mais la pression s’intensifie aux frontières. Les zones de vigilance concernent notamment la bande orientale du pays, au niveau des « trois frontières » (Guinée, Mali, Mauritanie), ainsi que les régions de Matam, Bakel et Kidira, jugées sensibles en raison de leur éloignement des grands centres de commandement et de leur porosité sociale.
Face à cette menace, l’ancien CEMGA salue les acquis nationaux, notamment; la professionnalisation des forces de défense et de sécurité, formées à différents types d’engagement et réputées disciplinées;  l’existence d’un réseau de renseignement structuré, qui reste actif sur le terrain. Une doctrine de sécurité basée sur l’anticipation, la mobilité et l’adaptation territoriale, plutôt que sur une simple réponse militaire classique.
Une indépendance stratégique, le Sénégal n’ayant jamais compté sur une force étrangère pour sa sécurité, contrairement à ses voisins.
Cependant, l’ancien CEMGA identifie aussi plusieurs axes à renforcer d’urgence :
– Le renseignement humain, trop peu développé dans certaines zones frontalières et périphériques. Il préconise une stratégie de « soldats sans fusil » : des citoyens formés et sensibilisés, capables de signaler toute activité suspecte.
– Le maillage territorial, avec des unités légères, mobiles, composées d’hommes du terroir, connaissant parfaitement le terrain.
– La coordination civilo-militaire, en particulier dans les banlieues et zones rurales, où l’absence d’état civil et de services publics favorise l’anonymat et les frustrations sociales.
– La sensibilisation des jeunes, principaux vecteurs d’influence et de recrutement jihadiste à travers la manipulation des discours religieux.
– L’augmentation du budget de la défense, qui, selon lui, devrait atteindre 2 à 3 % du PIB, une norme admise dans les pays membres de l’OTAN, afin de garantir un entraînement régulier, des équipements modernes et une préparation à long terme.
Sur le plan diplomatique, le général regrette que le Sénégal ne se soit jamais inséré dans les dispositifs de coordination comme le G5 Sahel, même à titre d’observateur, ce qui aurait permis de mieux connaître l’ennemi et les dynamiques régionales. Néanmoins, il reconnaît que ces cadres sont aujourd’hui affaiblis par les ruptures politiques entre États.
Le danger le plus sournois, selon lui, vient de la radicalisation discrète, insidieuse, au sein même des communautés sénégalaises. Une radicalisation qui ne prend pas toujours la forme visible d’un discours politique ou religieux, mais qui se construit sur les frustrations, l’ignorance, la solitude sociale, et l’exposition à des contenus extrémistes.
Pour conclure, le général Seck insiste sur une vérité, aucun pays n’est immunisé contre le terrorisme. Le Sénégal ne fait pas exception. Mais jusqu’à présent, il s’en sort par sa vigilance, sa cohésion nationale, et la solidité de ses institutions de défense. Il prévient cependant : « Ce n’est pas une guerre qu’on gagne une fois pour toutes. C’est une guerre d’usure, d’anticipation, et de lucidité. »

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