Justice partagée entre exigences populaires et indépendance judiciaire: Maurice Soudieck Dione s’invite au débat
Face aux critiques de certains députés de Pastef sur la lenteur des procédures judiciaires visant d’anciens dignitaires du régime précédent, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, n’a pas tremblé. « Qu’on ne compte pas sur moi pour exercer la moindre pression sur les magistrats », a-t-il répondu sèchement à l’Assemblée nationale. Une position qui, depuis, lui vaut des remontrances jusque dans les plus hautes sphères de l’État.
Lors de sa première conférence de presse, le 5 avril dernier, le président Bassirou Diomaye Faye a tenu à rappeler que « les Sénégalais ont le droit de réclamer que la justice fasse son travail ». Une déclaration interprétée comme un avertissement à son ministre, révélant un malaise entre attentes politiques et contraintes judiciaires.
L’équilibre entre indépendance de la justice et pressions populaires suscite désormais le débat. Invité de l’émission Objection sur Sud FM, ce dimanche 13 avril, le professeur Maurice Soudieck Dione, agrégé de science politique, a défendu la posture du Garde des Sceaux. « La justice est rendue au nom du peuple, mais cela ne signifie pas qu’elle doit être rendue de manière populiste », a-t-il déclaré.
Selon lui, la justice ne peut être instrumentalisée par l’émotion collective. « L’opinion n’est pas la science », affirme-t-il, citant Gaston Bachelard : « L’opinion a un droit, celui d’avoir toujours tort. » Et de prévenir : « La justice ne doit pas se soumettre au diktat de l’opinion, par essence instable et fluctuante. »
Le professeur met également en garde contre les dérives d’une application mécanique du droit. « L’application excessive du droit conduit fatalement à l’injustice », soutient-il, appelant à la prudence face aux tentations populistes.
Pour lui, une justice digne de ce nom doit être à la fois « efficace et diligente », mais aussi « respectueuse des droits des mis en cause ». Faute de quoi, prévient-il, « elle cesse d’être une justice pour devenir un instrument de vengeance. Et dans ce cas, on sort du cadre de l’État de droit pour entrer dans celui du règlement de comptes. »