Badara Gadiaga en garde à vue : « discours contraire aux bonnes mœurs », la principale charge retenue
Convoqué ce mercredi par la Division spéciale de la cybersécurité (DSC), le chroniqueur Badara Gadiaga a été placé en garde à vue peu après minuit. Selon ses avocats, il est poursuivi pour discours contraire aux bonnes mœurs, chef d’accusation présenté comme le principal motif de sa détention, aux côtés de deux autres : diffusion de fausses nouvelles et offense à une autorité publique.
La convocation, initialement fixée à 15h, a débouché sur un interrogatoire de neuf heures, au terme duquel la mesure de garde à vue a été notifiée sur ordre du procureur de la République. « C’est à minuit qu’on lui a communiqué officiellement sa mise en garde à vue. La charge retenue avec le plus d’insistance est celle relative au discours contraire aux bonnes mœurs », a déclaré Me Souleymane Soumaré, l’un de ses avocats. Badara Gadiaga a été interrogé principalement sur des propos tenus lors de l’émission Jakaarlo sur la TFM. Il lui est reproché d’avoir évoqué une affaire de viol dans des termes jugés offensants pour la morale publique, ce qui constituerait un discours contraire aux bonnes mœurs. Cette incrimination, souvent sujette à interprétation, serait au cœur de la procédure. Les deux autres chefs d’accusation, diffusion de fausses nouvelles et offense à une personne détentrice de charges publiques, en l’occurrence le Premier ministre, ont également été évoqués durant l’audition. Mais selon la défense, c’est bien la première charge qui fonde la décision du procureur.Me Soumaré assure que son client a répondu à toutes les questions avec sérénité. « Il a rappelé qu’il n’a jamais cité le Premier ministre en tant qu’institution, mais s’est adressé à l’homme politique Ousmane Sonko, chef de parti, qui avait lui-même demandé qu’on distingue ses différents rôles. » Face à l’accusation de diffusion de fausses nouvelles, Gadiaga a déclaré s’être basé sur un jugement connu du public, citant même des passages précis. « Il a évoqué les pages 29, 31 et 32, et a affirmé avoir volontairement édulcoré ses propos pour ne pas choquer. Rien dans ses déclarations n’était inventé ni destiné à heurter la morale », affirme Me Soumaré. Le conseil du chroniqueur dénonce une procédure injuste et disproportionnée : « On interpelle un citoyen pour avoir évoqué des faits publics dans une émission, pendant que celui dont les propos sont à l’origine de la polémique, Amadou Ba, est relâché dès 21h. C’est l’illustration parfaite du deux poids, deux mesures. » Pour Me Soumaré, cette affaire est symptomatique d’un climat de crispation dans l’espace public sénégalais. « Le Sénégal ne peut pas continuer à réprimer la parole critique par voie judiciaire. À une parole politique, il faut une réponse politique, pas une mise en garde à vue. » Et de conclure : « Le Sénégal du jub, jubël, jubënti ne peut être un pays où l’on arrête ceux qui s’expriment librement sur les plateaux de télévision. »